André Durussel

Hommage à Anne Wiazemsky (1947-2017) pour le 14 mai 2025

          

                                                                                           

« Les jours raccourcissent, l’été s’éloigne,
dit Robert Bresson »
(Jeune fille, Edit. Folio, Gallimard, 2007, p.208)

Hospitalisée en fin de l’été 2017 à Paris, très affaiblie par la maladie, Anne Wiasemsky  s’est éteinte le jeudi 5 octobre, il y a huit années déjà. C’était la petite fille de François Mauriac (1885-1971).

            Actrice, puis romancière, Anne Wiasemsky avait tourné avec Robert Bresson « Au hasard Balthasar ». C’est précisément lors de ce tournage que Jean-Luc Godard va l’engager pour « La Chinoise », puis l’épouser le 21 juillet 1967 à Begnins. Elle est avec lui à Venise, il y a cinquante ans, et elle évoquait tout cela  dans « Une année studieuse » en 2012, chez Gallimard, parce que Colette Gallimard était son amie d’enfance, et que c’est auprès de cet éditeur qu’elle avait publié ses premiers romans. Son mariage ne durera que trois années, durant lesquelles les retombées de mai 1968 vont encore fragiliser définitivement leur couple.  

            Sa mère, Claire Mauriac, était donc la fille du grand romancier catholique François Mauriac. En août 1945, dans le cadre d’une mission de la Croix-Rouge à Berlin, Claire fait la connaissance du prince Yvan Wiasemsky, comte de Levachov, surnommé « Wia », né en 1915 à Saint-Pétersbourg. Il est là comme secrétaire de la division dite « Des personnes déplacées », après avoir été fait prisonnier par les Allemands en France sur le front de la Somme. Le 5 juillet 1946, c’était le mariage. A Berlin, Claire est enceinte…et souhaite un garçon.  Mais c’est Anne qui voit le jour, précisément le 14 mai 1947, après un accouchement très difficile.           Anne Wiasemsky ne s’était jamais penchée sur les origines russes de son père et de sa famille. Grâce à un oncle, il va lui dévoiler l’histoire de cette famille et, avec lui, elle fait un pèlerinage en Russie. Cela va donner, sous une forme d’auto-fiction: « Une poignée de gens » (Gallimard, 1998), un roman dédié à son frère Pierre.

            Pour la lectrice ou le lecteur qui souhaite mieux connaître l’œuvre et la biographie d’Anne Wiasemsky, la part autobiographique de ses ouvrages est une source à la fois précise et émouvante. En particulier : « Jeune fille », qui relate son premier tournage avec Robert Bresson, celui qui va lui ouvrir les portes chez d’autres grands réalisateurs, tel Pier Paolo Pasolini et Marco Ferreri en particulier, et rencontrer Jean-Luc Godard (1930-2022).

C’est surtout ce dernier réalisateur qui lui a appris à mêler réel et fiction pour en faire par la suite un procédé créatif. Or, Jean-Luc Godard avait un égo surdimensionné, selon les propos d’Edouard Coquoz[1].  Sa vie privée est une suite de conquêtes et de mariages, avec Anne Collette née en 1937, puis Anna Karina, d’origine danoise (1940-2019), puis Anne Wiasemsky en 1967, jusqu’à leur séparation en octobre 1970.  Or, cette instabilité affective, il la reconnaissait lui-même : les femmes, les actrices, je ne les ai pas bien traitées. J’ai respecté leur beauté aléatoire, mais je n’ai pas fait très attention à ce qu’elles pouvaient dire ou faire. 

Aujourd’hui, la voix d’Anne Wiasemsky s’est tue à jamais.  Mais sa présence, par ses écrits, demeure pour nos nouvelles générations une source de jeunesse et de vie, comme la « Nouvelle Vague » a aussi contribué à révolutionner le cinéma français durant les années septante.

[1] Médecin-dentiste à Genève, né en 1944

 

A.Dur (Inédit, 14 mai 2025)