André Durussel

Actualité

Poèmes

Poèmes de la nuit tombante

Sur ces pages que le poids léger des jours a marqué de son empreinte, on découvrira ici, de temps en temps, de très récents poèmes inédits, un peu comme des comptines. Celui que le vent du soir disperse dans ce monde réel et à la fois virtuel qui envahit nos écrans.  Mais l’on découvrira aussi des citations d’autrices et d’auteurs qui ont accompagné l’auteur de ce site jusqu’à aujourd’hui.

Chêne-Pâquier, photo Dieter Bühler

Décembre 2024

Il ne t’importe plus que soient cachés
Dans la pierre l’église obscure, dans les arbres
Le visage aveuglé d’un plus rouge soleil.

Yves Bonnefoy (1923-2016)
Hier régnant désert (1958) in : Poésie, Gallimard, 1982, p.119.

Novembre 1942 :

A l’automne, ce paysage se fleurit de feuilles : les cerisiers devenant tout rouges, les érables jaunes, les hêtres se couvrant de bronze. Le plateau se couvre de mille flammes d’un deuxième printemps.

(13.11.2024)

Albert Camus (1913-1960) : Carnets, 1942-1951
Edit. Gallimard, 1964, p.52

 

Un chemin forestier, de Niédens-Dessus à Mézery VD

Etangs de Vuiteboeuf

Octobre 2024

…Mais les mois ont-ils gardé pour toi leurs noms ?

Cette question, c’est le poète et traducteur Gustave Roud (1897-1976) qui la pose à sa mère morte en 1933,  dans « Requiem » (Payot, 1967).

C’est une forme de chant qui lui permet d’accéder au « seuil des retrouvailles », selon Claire Jaquier, dans sa postface à une réédition chez Zoé en 1997.

En cette année 2024, l’automne s’est installé brusquement à la porte de nos cœurs après un début d’été très pluvieux, puis quelques brèves semaines caniculaires, cela avec des vents tempétueux et des inondations catastrophiques en Valais et en Europe du Nord.

L’automne, c’est malgré tout ma saison préférée.                                                                                                            

(10.10.2024)

A la manière de François Villon :

En l’an de mon trente-deuxième âge
J’avais reçu de Marie-Claire
« La Vieillesse » de Simone de Beauvoir[1].
Cet essai fort savant était-il un présage
De ce qui, un jour encore fort éloigné,
Allait tous les deux nous surprendre ?

Aujourd’hui, je n’en sais toujours rien
Lorsqu’il faudra plier bagage.

Certes, au fil des années,
Notre avenir se raccourcit,
Or, il y a dans le souvenir
Une sorte de magie
Avec laquelle, à tout âge,
Il faut savoir se réjouir.

(24.09.2024)

[1]  De Beauvoir Simone : La Vieillesse. Essai. Edit. Gallimard, 1970.

 

François Villon a allumé un feu qui brûle à l’écart, et que la cendre ne recouvre jamais. Ceux qui l’aimait s’y chauffent en silence, pour écouter par-delà cinq cents années le murmure d’une voix fraternelle, le cri déchirant d’un enfant perdu.

Dominique Aury
(Préface, Guilde du Livre, Lausanne, 1951)

Aujourd’hui j’ai semé

Aujourd’hui, j’ai semé

Une lignée de radis noirs

Dans la terre détrempée

Du jardin potager.

Ce sont de petites graines

Qu’il faut soigneusement recouvrir,

Puis éclaircir ensuite

Lorsqu’elles auront montré

Leurs premières feuilles tendres

Aux limaces

D’un pluvieux début d’été.

(Mardi 2 juillet 2024)

Le soir de la vie

Le soir de la vie
Disait-on autrefois,
Apporte avec lui sa lampe.
Or, ce n’est pas le cas toujours
Et la nuit infinie
Peut même survenir
En plein jour.

(02.04.2024)

Le vieux cerisier

Le vieux cerisier
vers la haie
avec ses bras très noirs
(comme ceux des lisières
qu’aimait Vio Martin)
s’est d’un seul coup paré
d’un millier de fleurs blanches.

Et déjà les abeilles
viennent le visiter
sans attendre les rebuses,
ni même l’orage, ou la grêle
d’un futur et fragile été.

(11.04.2024) 

Frais matin, ciel serein
Brillant horizon !
Levons-nous,
Sortons tous
De notre prison !

Le lac se couvrait de délicates couleurs
et de pétales de roses ;  par-dessus sautaient
de petits poissons brillants comme des
couverts d’argent. « Voilà, me disais-je,
la vaisselle des évêques jetée dans les airs,
voilà la véritable explication de la légende,
le trésor n’existe pas.

© Le Château de Glérolles, photo SVR Vins, CH-1023 Crissier

Les petits poissons

Il m’arrive encore souvent, Georges,
de te revoir dans mes visions,
comme si tu étais encore en ce monde,
mais un peu hésitant.

Et voici qu’un soir de décembre
(il y a déjà vingt-six ans !)
dans ce petit appartement
au septième étage
de la rue Froidevaux,
tu t’en allais pour toujours,
laissant dans un livre ouvert
les petits poissons brillants
du Château de Glérolles,
ces lieux d’un premier amour.

(15.04.2024)

Sortir

Sortir, en effet
C’est très important
Aujourd’hui comme hier
Lorsque tu parviens
Aux frontières
Du grand âge.

Un seul mot, un sourire,
Une rencontre imprévue
Dans ton village
Et te voilà comblé
Pour toute la journée.

(04.04.2024)

Lyrisme et dissonance

Le poète qui n’a plus rien à dire, ne serait-ce pas celui qui prend la pose (sa pause, aussi bien) et se met en devoir de réfléchir à cela même qu’il ne fait plus : écrire des poèmes ?

Ou sa réflexion serait-elle seulement née des intermittences de la poésie, chaque proposition apparaissant comme poutrelle parmi d’autres, nécessaires au radeau qui lui permettra de tenir, jusqu’à l’approche des prochains rivages ?

François Debluë.
Hommage à Doris Jakubec
Edit. Zoé, 2003, p.117