Gustave Roud, le souvenir d’un anniversaire
En ce début d’automne 2020, alors que «le jour déjà baisse un peu», il y a des souvenirs dont on se souviendra toujours. Ainsi au sujet de cette rencontre qui avait marqué, le samedi 19 avril 1997, le centième anniversaire de la naissance du poète, traducteur, photographe et marcheur en plaine Gustave Roud (1887-1976).
Cette manifestation avait rassemblé une foule d’amis et de connaissances devant sa ferme de Carrouge-le-Jorat. Ce présent «retour sur images», au moment où le Centre des littératures en Suisse romande prépare activement l’édition critique des œuvres complètes à paraître en 2021, évoque particulièrement quelques extraits de l’allocution prononcée par un autre poète, lui aussi disparu aujourd’hui, et pour lequel une édition des «œuvres complètes» serait la bienvenue. Il s’agit de Maurice Chappaz (1916-2009), dont un précédent article de L’Inédit avait rappelé l’aventure de Vocation des fleuves.
Ces deux poètes étaient en effet liés par une longue amitié «aussi attentive que l’humilité du désespoir», selon les propos de Chappaz lui-même:
« Roud. Gustave Roud. Il est né il y a cent ans (dans un autre lieu, pas très loin) mais depuis son enfance il fut éternellement ici. Le temps glisse, je me rapproche si vite de ce qui se noie dans l’ombre et hésite dans notre cœur avec ce toujours qui repasse comme un nuage.
Voilà pourquoi nous sommes aujourd’hui devant cette maison avec la fontaine qui coule, le banc, le jardin, l’ombre de la grange… Une porte s’ouvre. Combien de fois suis-je venu ? Son visage apparaît et il y a ce mélange de confusion et de joie.
Nous lisons aujourd’hui ses livres avec le silence qu’il y a autour. Son acte poétique est en même temps un acte de naissance de Carrouge dans la mémoire collective. En elle frémira le grand adieu temporel de toute une race d’hommes. Il a ressuscité un lieu, il nous a transmis, telle une musique pure, passionnée, nos sources toutes simples. Notre pays a été traversé une ou deux fois par de telles œuvres majeures qui ont fait émerger l’émotion d’une présence et une identité. Campagnes perdues signifie chacun des écrits du poète et résume à l’envers de son aventure une civilisation paysanne: avec l’abîme qu’il peut receler un certain visage du paradis. Pas plus que Roud, je ne puis séparer notre figure intérieure et le pays extérieur. Ils sont réels l’un par l’autre. Le monde purement existentiel est dénué de sens et si nous ne participons pas maintenant à l’éternité, nous n’y participerons peut-être jamais. »
Maurice Chappaz avait terminé son hommage par une pensée adressée aussi à Madeleine Roud, cette «sœur si intelligemment fidèle» dont le jeune écrivain Bruno Pellegrino a récemment retracé la vie sous le titre: Là-bas, août est un mois d’automne.
« Voilà pourquoi nous sommes aujourd’hui devant cette maison… » Maurice Chappaz rend hommage à Gustave Roud, le 19 avril 1997.
© Alain Burki